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La douleur chronique

Carl Pelletier

QU’EST-CE QUE LA DOULEUR?


Selon l’International Association for the Study of Pain (IASP), la douleur se définit comme « une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable liée à une lésion tissulaire existante ou potentielle […] » et elle est « toujours subjective » (1, 2,3, 4).


La douleur se décompose en trois aspects. L’aspect sensori-moteur correspond aux mécanismes physiologiques de transmission et d’analyse du message douloureux par le système nerveux. L’aspect affectivo-émotionnel renvoie à la qualification de la douleur et à la réponse émotionnelle qu’elle provoque. L’aspect cognitivo-comportemental permet l’interprétation de la douleur et l’exécution des actions requises pour cette réponse (1).


QUAND LA DOULEUR DEVIENT CHRONIQUE


La douleur aigüe est une réponse symptomatique à une cause spécifique. Elle disparait avec la guérison. La douleur est déclarée chronique lorsqu’elle persiste au-delà d’un délai normal de guérison, fixé habituellement entre trois à six mois. Elle présente plusieurs caractéristiques, parmi lesquelles (1,2,4,6). Contrairement à la douleur aigüe, la douleur chronique n’est pas un simple symptôme, mais une maladie à part entière (6). Elle perd alors sa valeur de signal d’alarme (8) et peut détériorer les capacités fonctionnelles et la qualité de vie de la personne qui en souffre (1).


La douleur chronique active de façon soutenue la réponse au stress et elle peut conduire à la kinésiophobie (l’appréhension du mouvement), qui entraîne à son tour des limitations fonctionnelles plus ou moins importantes et invalidantes (2).


Au Québec en 2004, plus de 1,2 million de personnes, tous âges confondus, déclaraient souffrir de douleur chronique (2).


La douleur chronique peut prendre plusieurs formes. Leur classification la plus courante, proposée par l’IASP, retient trois types aux caractéristiques distinctes : les douleurs nociceptives, neuropathiques, et nociplastiques.


1. La douleur nociceptive


Ce type de douleur chronique résulte d’une stimulation excessive des nocicepteurs périphériques (les récepteurs de la douleur) causée par des processus lésionnels et inflammatoires (1,2,4). Les signaux nerveux nociceptifs sont émis par les nocicepteurs périphériques. Ils sont ensuite transmis via la moelle épinière au thalamus, puis au cortex cérébral. De là, ils sont perçus en tant qu’expérience douloureuse, puis modulés en vue d’une réponse appropriée (10).


Or, une répétition soutenue des processus de transmission de la nociception entraîne des modifications de la moelle, ce qui provoque le phénomène de sensibilisation périphérique (11). La sensibilisation périphérique accroît la transmission des influx nociceptifs au système nerveux central, entraînant l'amplification des messages nociceptifs. Il en résulte une hyperalgie persistante dans le temps, malgré la disparition du stimulus initial (7,11,12). Autrement dit, le système nerveux continue de percevoir de la douleur même si la lésion d’origine a disparu.


2. La douleur neuropathique


La douleur chronique de type neuropathique résulte de dysfonctions des systèmes nerveux périphérique ou central affectant les fonctions motrices et sensorielles (1,4). Elle résulte de l’atteinte des fibres nerveuses, mais proviendrait aussi parfois d’une dysfonction du système analgésique intrinsèque produisant les endorphines (1,2).


Les douleurs neuropathiques sont souvent manifestes sous forme de brûlure, de chocs électriques et d’allodynies (par exemple, lors de l’effleurement de la peau) (1,7,13). Elles peuvent être accompagnées de perturbations sensitives (dysesthésies, paresthésies), ainsi que d’anomalies des réflexes. Parce qu’elles répondent peu aux traitements analgésiques, les douleurs neuropathiques ont un retentissement important sur le sommeil, la fatigue, l’anxiété, et les activités quotidiennes.



3. Les douleurs nociplastiques


Les douleurs nociplastiques sont liées à des dysfonctions des systèmes de régulation de la nociception en l’absence de lésions objectivement identifiables. Elles sont considérées comme l’expression d’une sensibilisation centrale dans laquelle interviendrait des médiateurs pro-inflammatoires (5,7,8,9). Cette catégorie comprend des affections comme la fibromyalgie, la migraine, le syndrome de fatigue chronique et le syndrome du côlon irritable (SCI) (1,7). Ces affections ont des sièges douloureux multiples et diffus (12) et leur physiopathologie est encore mal comprise.


Les différents types de douleur peuvent être mutuellement ressentis chez un même sujet (1,2).


Références____________________________________________________________


1. Acapo et al., 2017

2. Association québécoise de la douleur chronique [AQDC], 2009 et 2016

3. Beroud, 2010

4. Serrie et al., 2014

5. Trouvin et Perrot, 2019

6. Barcelos de Souza et al., 2009

7. Bertin et Vergne-Salle, 2019

8. Serra et al., 2014

9. Jones et al., 2016

10. Risch et al., 2017

11. Pelletier et al., 2018

12. Courtney et al., 2017

13. International Association for the Study of Pain (IASP), 2014

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